RÉFLEXION DE MICHAËL CHÉNEAU 4/4
15/07/20
4/4 Dimension métaphysique & civilisations
Si la galerie est une entreprise productrice de valeur et génératrice de projets impliquant les talents régionaux, doit-on parler d’oeuvres d’art ? L’objet d’art doit-il être nécessairement inatteignable et muséal ?
Notre culture occidentale a paradoxalement créé des objets déshumanisés voués à satisfaire un maximum d’êtres humains. Tout ces êtres aux caractères pourtant différents ont dû plier leur identité à des objets pour tous (presque) identiques. La matière première et son travail nous sont devenus étrangers, presque bizarres. Or que retient-on d’une civilisation qui ne laisse derrière elle qu’un amas d’objets plus ou moins similaires ? La masse devient invisible, comme une toile de fond à l’appréciation de l’unicum faisant résonner avec plus de profondeur l’exception façonnée par la main. À travers l’objet d’art, un rapport intime s’établit entre celui qui le tient, le manipule et celui qui l’a pensé et fabriqué. Cette charge symbolique incarne l’essence même de l’art et une valeur chère à la Galerie MICA et l’association LAB. Une politique de la terre et du respect de la diversité végétale et animale n’est en cela pas du tout étrangère à notre métier. En faisant le choix de matières premières régionales et en valorisant le renouvelable, nos créations d’objets amènent naturellement au respect de l’humain : le travail de l’artisan tient compte de l’unicité des matériaux qu’il travaille. En offrant à l’artisanat un environnement riche de matières premières locales et donc qualitatives, nous redonnons de la valeur à son travail et ses connaissances. Soigner ses ressources c’est aussi soigner sa société.
La vocation d’une galerie d’art est à mon sens de restituer cette valeur spirituelle que toutes les cultures ont attaché aux matériaux et à l’art de les modeler. La charge symbolique infusée dans le travail de la matière par la main humaine, la capacité de l’esprit à matérialiser sa pensée dans la forme d’un objet doivent retrouver une place centrale dans notre manière de choisir nos objets. Il ne s’agit pas d’une prétention philosophique que l’on associe trop souvent aux galeries d’art mais bien d’une attention de chacun à des émotions universelles.
Avant d’acquérir un objet, au-delà d’un besoin nécessaire, peut-être devrait-on être davantage attentif à sa rencontre. Choisissez un objet comme vous choisiriez un ami : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi. »
Michaël CHÉNEAU