PORTES BRETONNES XVIIIe

PORTES BRETONNES XVIIIe

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// CHÊNE-CHÂTAIGNIER
// L. 4 x l. 57 x h. 142 CM

// PIÈCE UNIQUE

Aux générations qui se succèdent, une armoire ouvre aussi bien ses portes que celles du souvenir, dans toute sa subjectivité. S’il est ouvrage d’artisan, le meuble véritable fait le pont entre les époques et grave profondément dans sa forme unique des histoires d’individus qui le sont tout autant. Il se fait référent narratif, borne géographique et temporelle, un marqueur autour duquel préserver et tisser des histoires.

Ces portes datées de la fin du XVIIIe siècle sont le prélude à l’âge d’or de l’armoire de mariage qui s’épanouit au XIXe siècle. Dans les classes populaires, elle excelle à articuler l’éphémère et le pérenne, l’évènement festif et la succession calme des années. Elle fait l’histoire de ceux qui en furent longtemps privés. Elle est le meuble de prestige par excellence, le meuble d’une vie par sa taille, sa valeur financière et symbolique. Ces deux portes en sont le témoignage : massives, patiemment et délicatement sculptées, elles ne se contentent pas du bois naturel et ordinaire mais se drapent d’une fastueuse patine rouge sang de boeuf. L’armoire de mariage trône dans le foyer et règne en maître. Elle installe le nouveau couple dans la société, indique son rang social, sa richesse ou son humilité, son cadre de vie campagnard ou urbain, son inclination à refléter une identité régionale, sociale ou artistique. Le temps et le coût de la fabrication dictent le calendrier des noces : la date est arrêtée en fonction de l’avancée du menuisier ou de l’ébéniste. Car l’armoire contient le trousseau de la mariée et la valeur du meuble fait écho aux frais engagés pour la célébration. Une fois la fête terminée, l’armoire est en quelque sorte le cliché fidèle du faste déployé pour l’occasion.

Ces deux portes régulièrement ouvertes et refermées remémorent la noce raffinée. Sur le tableau supérieur de chaque vantail est mis en majesté l’épousée à gauche, le marié, à droite. La forme quadrilobée se fait corps et s’extirpe d’un bouquet de fougères. Sur chaque porte, les motifs de limbes, de rosaces et de fleurs distinguent avec virtuosité le vantail féminin du vantail masculin. Sans nous prononcer sur l’utilité pratique ou esthétique de la patine sang de boeuf, rappelons qu’au XIXe siècle, le rouge est pour les classes populaires la couleur festive des occasions particulières. Les pantalons, les vestons et les robes de mariées sont rouges avant de devenir, à la fin du siècle, noir pour les uns, blanche pour les autres. La patine rouge des armoires de mariage, aussi utile ou esthétique soit-elle, ravive peut être aussi le souvenir d’une journée unique et haute en couleur. Considérée dans notre contexte contemporain, l’armoire de mariage réveille des valeurs méprisées puis brusquement réhabilitées : sobriété et parcimonie. Des vertus de raison plutôt que de punition. L’armoire, autrefois religieuse ou aristocratique, parle désormais un langage universel, ce qui la différencie du luxe érudit. Notre Table à l’architecture séculaire n’affirme rien d’autre.

Texte par Marielle Brie

COLLECTION GALERIE MICA

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