CUILLÈRE DE NOCE BRETONNE XIXe
CUILLÈRE DE NOCE BRETONNE XIXe
// BUIS
// L. 18 x l. 5 x h. 3 CM
// PIÈCE UNIQUE
Il est de ces traditions populaires auxquelles nous prêtons une attention distraite. Des traditions douces qui tissent l’ordinaire d’un quotidien que l’on souhaiterait au contraire unique et exalté. Forcés à l’arrêt, il a bien fallu nous interroger : quelles sont ces valeurs essentielles qui nous unissent ?
Il y a un siècle à peine, elles prenaient encore forme, totalement et naturellement, dans des évènements de l’ordinaire. Fiançailles et noces étaient l’occasion d’une sociabilité joyeuse où la convivialité et le sens esthétique s’exprimaient dans une simplicité que nous peinons à retrouver. La tradition des cuillères de mariage fut en Bretagne une coutume aussi charmante qu’artistique. Simple et patinée par l’usage, la cuillère quotidienne possédait dans chaque foyer un double élégant et ouvragé, réservé aux festivités et fièrement exhibé lors des banquets.
Jusqu’au XVIIe siècle, cuillères et couteaux constituaient les seuls couverts individuels que connaissait la table et, avant que la fourchette ne la supplante, la cuillère régnait en maître aussi bien dans l’assiette que sur les fourneaux. Symbole du foyer par excellence, il suffisait pour un prétendant d’en offrir une à sa bien-aimée pour que les fiançailles soient scellées. Lors des festivités populaires, on apportait avec soi sa cuillère de noces, objet de fierté que l’époux ou le fiancé avait amoureusement sculpté et gravé. Les plus aisés recourraient aux services d’un boisselier mais toujours le bel objet était au centre de la convivialité.
Fait remarquable, la cuillère est avec le couteau, le couvert le plus ancien ainsi que celui qui suit de très près les usages de la table. Suivant l’époque et le raffinement qu’on porte à la gastronomie, cuillères et couteaux en Europe se diversifient à l’envi. Les épithètes s’énoncent naturellement : couteau à beurre, à fromage, à huîtres, à fruits, à poisson, etc. Pourtant la cuillère n’est pas moins riche ! Pensons à la cuillère à café, à soupe, à saupoudrer lorsque son cuilleron est percé de petits trous, la cuillère à caviar, à absinthe ou à olives. Cette richesse de typologies, largement redevable à un XIXe siècle qui magnifie la gastronomie, n’épargne pas les classes populaires de la société. Cette cuillère bretonne, au-delà de sa symbolique, témoigne de cette diversification des usages. À l’occasion d’un évènement important et convivial, le caractère unique de la manifestation s’illustre jusque dans le raffinement des couverts. L’humilité quotidienne d’ustensiles simples s’efface quelques heures au profit d’un exceptionnel ouvragé. L’objet est un marqueur d’unicité.
Notre cuillère en buis, unique et finement sculptée, fait étrangement écho à nos bouleversements contemporains. Cette urgence à revenir à une fabrication et à une consommation raisonnées et locales est-elle seulement le fruit des contraintes environnementales ? N’aurions-nous pas le désir secret de retrouver la simplicité ? Et si les valeurs essentielles étaient naturellement à portée de main ?
Depuis notre Tablaquin à cette cuillère de noce, les valeurs de partage et de convivialité traversent les siècles sans difficulté. Le bois comme un des premiers matériaux de la civilisation perdure d’autant qu’il est sélectionné dans ses essences locales. Galerie Mica poursuit cette tradition séculaire dans des créations modernes qui sont autant de citations à l’art passé que des éloges de la simplicité.
Texte par Marielle Brie