SABLIÈRE DRAGON XVIe

SABLIÈRE DRAGON XVIe

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// CHÊNE / POLYCHROMIE
// L. 60 x l. 13 x h. 23 CM

// PIÈCE UNIQUE

Cet élément en chêne n’est bien souvent connu que des Bretons sans qu’ils soient les seuls à l’employer. Indispensable de la charpente, la sablière est une poutre horizontale appuyée sur le mur ; elle supporte les charges d’un plancher ou plus généralement d’une partie des charges verticales de l’édifice. Avant d’installer cette pièce délicate, on déposait traditionnellement un lit de sable dans l’emplacement qui lui était réservé. En plaçant l’élément, le sable s’écoulait lentement et doucement au fur et à mesure que la poutre prenait place, assurant ainsi sa stabilité et son horizontalité parfaites. Eu égard aux précautions particulières prises pour son installation, la poutre pris le nom de sablière.

Bien plus haut perchées que ne l’étaient les vitraux ou les oeuvres offertes à la vue des fidèles, les sablières offraient pourtant un espace d’expression artistique commode dont s’emparèrent les charpentiers et les menuisiers entre la fin du XVe et le XVIIe siècles.

Une promenade curieuse dans les églises bretonnes révèle la spécificité régionale de ces éléments de charpente. Deux caractéristiques permettent d’en mieux appréhender les formes. La première tient à ce que l’emplacement des sablières, souvent très haut, régulièrement dans l’ombre, rend parfois difficile la lecture des ornements. La seconde découle de la première : l’emplacement n’étant pas favorable au discours religieux, les sujets profanes y sont tolérés et l’imagination des artisans de se libérer. D’où une diversité stupéfiante de sujets fantaisistes empruntant aussi bien au quotidien de l’époque qu’à des légendes éveillant les souvenirs païens. Car longtemps, le christianisme n’a d’autre choix que de vivre en bonne intelligence avec les résurgences de mythes locaux et de créatures héritées de cultes anciens.

Charpentiers et menuisiers bretons sculptent en haut relief leurs créations pour assurer leur visibilité. Notre sablière témoigne de ces gestes assurés. Sans hésitation ni appréhension, les ciseaux à bois sculptent un dragon que les artisans imaginent alors polychrome par nature autant que par nécessité : la couleur accroche la lumière sur ce haut relief affirmé, attirant le regard là où, d’ordinaire, il ne serait pas porté.

Gueule béante, crocs acérés et langue fourchue, le monstre n’est pas difficile à identifier. Paradoxalement, le dragon est pourtant la plus polymorphe des créatures médiévales. Sa tête de crocodile - au moins reptilienne - est probablement le seul aspect stable de sa physionomie. Rien n’est plus mouvant que le dragon. Tout à la fois maléfique et diabolique, l’Église nous rappelle sagement que nulle créature ne saurait être mauvaise par nature, car Dieu l’a façonnée. Le dragon doit-il être pardonné ? En Bretagne, les influences celtes n’oublient pas son influence bénéfique héritée des mythologies orientales. Le dragon est puissant, adversaire redoutable et à la hauteur de la grandeur royale, à son service parfois ; souvenons-nous de nombre de blasons bretons. Le monstre défend les trésors cachés, combat férocement les archanges et autres saints aussi bien qu’ils dévorent les pécheurs du Jugement Dernier. Au même titre que le renard ou la chouette, le dragon sème le trouble ; il est l’une des créatures les plus librement sculptées sur les sablières bretonnes. Invité au coeur d’un lieu sacré, il semble interroger nos certitudes. Peut-on véritablement figer le symbolisme de cette créature qui porte littéralement l’église sur ses épaules ? 

Texte par Marielle Brie

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